La Cour de Cassation a rendu une décision au mois de juin 2025 qui risque de faire évoluer très sérieusement le droit de la preuve des salariés lors des litiges prud’hommaux (Cass. Soc. 18 juin 2025, RG n°23-19.022)
Les faits de cette affaire sont les suivants : au cours de l’année 2019, un salarié a demandé à son employeur de lui communiquer ses mails professionnels, notamment afin de pouvoir se défendre suite à son licenciement ayant été prononcé lors de l’année précédente. Mais en réponse, seuls lui ont été communiqués des documents contractuels, des bulletins de paie, des documents relatifs à une place de parking, ou encore un avis d’arrêt de travail… En bref, l’employeur s’est totalement abstenu de lui transmettre l’objet de sa demande. S’est donc posée la question de l’accès à de tels mails professionnels, et surtout de leur communication aux salariés.
Dans cette affaire, la chambre sociale de la Cour de cassation a conclu à une abstention fautive de communication des données personnelles. Pour ce faire, elle s’est basée sur le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, plus communément appelé « RGPD ».
Le RGPD est un règlement européen venu encadrer et harmoniser le traitement des données personnelles sur le territoire européen. Dans cette optique, il vient conférer des droits aux personnes concernées, tels que le droit de rectification des données, le droit d’opposition au traitement des données, ou encore le droit d’accès aux données personnelles, étant en cause ici.
L’article 15 de ce règlement a permis de résoudre cette problématique. En effet, toute personne peut obtenir « une copie des données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement », et donc l’accès à ces mêmes données. Cela tant que cela « ne porte pas atteinte aux droits et libertés d’autrui ». Dans sa solution, la Cour affirme clairement que les mails professionnels sont concernés par cette obligation. Alors, en refusant de communiquer les métadonnées, ainsi que le contenu des mails professionnels, comme demandé par le salarié, tout en ne présentant aucun motif venant justifier cette abstention, celle-ci devient fautive. L’employeur prive son salarié d’un droit lui étant conféré par le RGPD, d’autant plus qu’il aurait pu faire usage de ces éléments dans le cadre du litige mettant en cause son licenciement.
La Chambre Sociale de la Cour de Cassation confirme donc la décision de la cour d’appel en ce qu’elle condamne la société employeuse à des dommages-intérêts à hauteur de 500€ pour non-respect du droit d’accès aux données personnelles, ce qui s’avère tout de même être une somme peu dissuasive.
Ainsi, tout en érigeant les limites de l’application de ce droit d’accès, la Cour de cassation vient s’aligner sur la position de la CNIL en affirmant que les mails professionnels contiennent des données à caractère personnel susceptibles d’être régies par le RGPD. L’employeur n’aura donc plus la possibilité de se refuser à la communication de tels éléments sous l’unique prétexte de leur caractère professionnel.