La difficile appréhension du parasitisme dans la mode

Par un arrêt en date du 4 février 2014, la Cour de Cassation a condamné la Société FERRAGAMO pour parasitisme .

En cause ? Un flacon de parfum, son emballage et sa publicité qui, selon la Cour, évoquaient trop fortement le parfum « MISS DIOR »…

La Société FERRAGAMO se voyait ainsi sanctionnée pour s’être placée dans le sillage de la Société DIOR en « profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété ».

Pour justifier sa décision, la Cour de Cassation relève les nombreuses similitudes entre les deux produits en cause, et notamment la présence « d’un nœud stylisé » au niveau du bouchon – caractéristique n’ayant jamais été utilisée auparavant par la Société FERRAGAMO.

Et la Cour de conclure que ces similitudes entrainent, « par la reprise d’éléments caractéristiques fortement évocateurs du parfum « MISS DIOR », une ressemblance d’ensemble avec celui-ci et qu’il a créé la confusion dans l’esprit de la clientèle précisément visée ».

Comment concilier cet arrêt avec les solutions retenues dans des affaires tout aussi significatives ?

On se souviendra en effet de la retentissante affaire « LOUBOUTIN C/ ZARA », dans laquelle la Cour d’Appel de Paris avait rejeté la demande formée au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, estimant notamment que « la seule circonstance, établie dans les motifs qui précèdent, que le public averti et la presse spécialisée puissent associer la marque « Christian Louboutin » avec une semelle de couleur rouge ne justifie pas l’appropriation perpétuelle, par la société Christian Louboutin, du concept consistant à munir systématiquement les chaussures pour femmes de semelles de couleur rouge ; qu’il est en effet de principe que les idées sont de libre parcours » (Cour d’Appel de Paris, 22 juin 2011 ).

Il est également possible de rappeler l’affaire « CELINE C/ ZARA », dans laquelle la Cour d’Appel de Paris avait, une fois encore, rejeté la demande formée par la Société CELINE au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, au motif que l’imitation des collections de la Société CELINE par la Société ZARA n’était pas suffisamment évocatrice… (Cour d’Appel de Paris, 27 février 2013 ).

Dès lors, face à une jurisprudence fluctuante et extrêmement contextuelle, il est difficile de savoir, précisément, à partir de quand l’imitation d’éléments caractéristiques d’une maison de couture est suffisamment évocatrice pour pouvoir être appréhendée comme étant fautive.

Cela est d’autant plus malaisé que le monde de la mode est, par essence, fait d’inspiration mutuelle et réciproque.

En pratique, il conviendra de se livrer à une étude d’un faisceau d’éléments, ces derniers devant aboutir à la création d’un véritable risque de confusion dans l’esprit de la clientèle ; la seule reprise d’éléments caractéristiques ne devraient donc pas suffire à caractériser le parasitisme – il faudra s’attacher en plus à toutes les circonstances qui entourent la commercialisation du produit litigieux.

Dès lors, seule l’analyse d’éléments purement factuels permettra de trancher la délicate question de la délimitation entre inspiration flatteuse et imitation fautive.

1 Cour de Cassation, Chambre commerciale, 4 février 2014, pourvoi n° 13-11.044.
2 Cour d’Appel de Paris, 22 juin 2011, n° 09-00405, confirmé par la Cour de Cassation, 30 mai 2012, pourvoi n° 11-20.724.
3 Cour d’Appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 1, 27 février 2013, n° 12/04542.

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