La réforme de la procédure prud’homale, quelles conséquences pour les justiciables ?

La « Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » du 6 août 2015, dite loi « Macron », a apporté de très nombreuses modifications à la procédure prud’homale tant en première instance que devant les Cours d’Appel. Ces nouvelles règles sont entrées en vigueur depuis le 1er août 2016.

L’objectif principal de cette réforme est de réduire les délais de jugement en octroyant de nouvelles compétences aux Conseillers Prudhommaux et de favoriser les solutions de règlement amiable des litiges.

La procédure prud’homale devient écrite, la saisine du Conseil des Prud’hommes évolue et un nouveau statut du défenseur syndical est crée. La procédure d’appel apparaît elle, totalement bouleversée. Un point sur les changements majeurs à retenir.

  • Une nouvelle modalité de saisine du CPH qui oblige le demandeur à communiquer dès la saisine ses arguments et ses pièces

La grande nouveauté de cette réforme réside dans la modalité de saisine du CPH qui doit désormais obligatoirement être saisi par voie de requête. Cette requête ne se fera plus, comme cela était le cas auparavant, par le simple dépôt d’un formulaire type mais elle devra contenir à peine de nullité : un exposé des motifs de la demande et être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions.

Ce nouveau mode de saisine implique donc pour le demandeur une préparation en amont du dossier, des pièces et des arguments qui seront invoqués dans le cadre de la procédure. Le Conseil du défendeur pourra de son côté conseiller de manière plus utile et concrète son client dès le début de la procédure.

  • Le bureau de conciliation et d’orientation (BCO) fait son apparition

Le bureau de conciliation devient le « bureau de conciliation et d’orientation » (BCO). Il dispose désormais de compétences étendues :

– une mise en état est instaurée

Le BCO procède dorénavant à la mise en état des affaires. A ce titre, il est désormais compétent pour fixer le calendrier de procédure ou encore entendre les parties pour qu’elles puissent fournir des explications nécessaires à la solution du litige.

Le BCO peut mettre les parties en demeure de produire des documents ou toute justification nécessaire, mais encore pourra enjoindre une partie à déposer ses conclusions, radier une affaire. C’est le BCO qui veillera au respect du calendrier de procédure et qui fixera donc, une fois le contradictoire respecté, la date à laquelle le dossier sera plaidé devant le bureau de jugement.

Enfin, en l’absence de défendeur, le BCO pourra même juger l’affaire au fond en bureau restreint.

de nouvelles formations de jugement sont créées

 Outre la formation classique d’un bureau de jugement composée de deux conseillers prud’hommes employeurs et de deux conseillers salariés, le BCO a possibilité de renvoyer l’affaire devant une formation restreinte (un conseiller salarié et un conseiller employeur) qui statuera dans un délai court de 3 mois ou encore devant une formation de départage où un juge professionnel accompagnera la formation dite classique.

Toutefois, cette nouvelle possibilité donnée au BCO sera limitée dans son application dès lors qu’il faudra au préalable l’accord des deux parties au litige pour que l’affaire soit renvoyée devant de telles formations… Or, il paraît peu probable que le défendeur accepte que son dossier soit évoqué dans un délai restreint !

  • Un rôle accru pour la médiation judiciaire 

Désormais, le BCO ou le Bureau de jugement pourront, quel que soit le stade de la procédure, désigner un médiateur après accord des parties afin que ces dernières puissent trouver un accord amiable.

A défaut d’accord, le BCO ou le Bureau de jugement pourront enjoindre les parties à rencontrer un médiateur afin qu’il informe les parties sur le déroulement de la médiation. La médiation judiciaire ne peut excéder une durée de 3 mois, renouvelable une fois. En cas d’échec, l’instance se poursuit.

  • Création d’un statut de Défenseur syndical

La loi « Macron » a modifié l’article R 1453-2 du code du travail en introduisant le défenseur syndical comme nouvelle personne habilitée à représenter les parties.

Les défenseurs syndicaux sont inscrits sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations représentatives d’employeurs et de salariés, au niveau national et interprofessionnel, national et multi-professionnel ou dans une branche, dans des conditions qui seront définies prochainement.

Le défenseur syndical a de ce fait un statut privilégié et les règles protectrices lui seront appliquées. En effet, le défenseur syndical salarié sera reconnu salarié protégé, pourra bénéficier d’autorisation d’absences et son salaire sera maintenu.

  • Une procédure d’appel totalement bouleversée

Désormais et depuis le 1er aout 2016, la représentation est obligatoire devant les chambres sociales des Cours d’Appel. Cette représentation obligatoire met fin à l’oralité de la procédure, la procédure prud’homale est calquée sur la procédure civile bien plus formaliste et cela emporte trois conséquences importantes :

  • Fin de la possibilité pour une partie de se défendre seule devant la Cour :

Désormais, il est obligatoire pour la partie souhaitant interjeter appel de confier son dossier à un avocat ou à un défenseur syndical.

  • Modifications majeures des formalités de déclaration d’appel et de postulation :

Désormais la déclaration d’appel devra contenir à peine de nullité toutes les mentions instaurées par les articles 58 et 901 du code de procédure civile.

En outre, la procédure avec représentation obligatoire induit des règles de territorialité et donc l’obligation de constituer un avocat du ressort de la cour d’appel saisie.

A titre d’illustration, un avocat parisien devra faire appel à un confrère lyonnais pour pouvoir représenter son client devant la Cour d’appel de Lyon (mais non pour plaider).

Cette nouvelle règle oblige donc les parties à multiplier les frais de justice, ce qui à notre sens nous paraît contraire aux intérêts des justiciables.

  • Bouleversement procédural devant la cour d’appel :

La procédure se complexifie et devient très formaliste, les délais inhérents à la procédure d’appel doivent être scrupuleusement respectés par les parties à peine d’irrecevabilité ou de caducité.

Les délais sont dits « préfixes » : l’appelant dispose d’un délai de 3 mois à compter de la déclaration d’appel pour régulariser des écritures et l’intimé disposera d’un délai de 2 mois à compter de la réception des conclusions de la parties adverses.

Ces changements majeurs théoriques sont nombreux et viennent complexifier la procédure, reste à savoir comment les juges prud’homaux appliqueront au quotidien ces nouvelles règles… A suivre !

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