Lorsque la propriété intellectuelle s’invite en politique

Une association lyonnaise dénommée « Au nom du peuple » a contesté en Justice le droit d’utiliser son nom comme slogan de campagne.

L’association « Au nom du peuple », fondée en 2013 à Lyon, a pour but la défense de l’État de droit et de l’égalité des droits, et agit notamment auprès des élus.

Or, le 18 septembre 2016, lors de l’université d’été du Front National, la candidate aux élections présidentielles, Madame Marine Le Pen, a dévoilé son slogan de campagne qui n’est autre que… « Au nom du peuple » !

La marque française « AU NOM DU PEUPLE », n° 4279751 avait d’ailleurs été déposée à cet effet le 13 juin 2016 au nom de Mme Sighild BLANC, proche du Front national.

En réaction à l’annonce du slogan de Madame Le Pen, l’association lyonnaise a adressé le 20 septembre 2016 une mise en demeure au Front National et à d’autres associations proches, et l’a assigné à jour fixe le 10 octobre 2016, aux fins de voir prononcer la nullité de la marque « AU NOM DU PEUPLE », et de voir condamner les défendeurs à des dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale et parasitisme.

Par jugement en date du 15 décembre 2016, le Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté l’association lyonnaise de toutes ses demandes. Celle-ci a alors interjeté appel de cette décision.

Elle a fait valoir devant la Cour d’Appel que la dénomination sociale de son association est protégée par la loi et que le dépôt postérieur d’une marque identique lui cause un préjudice immédiat et direct.

En outre, elle soutenait que le Front National avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’existence de l’association «Au Nom du Peuple » et a cherché à lui nuire en la privant de l’usage de sa dénomination sociale et de toute possibilité d’apparaître comme une association apolitique sans lien direct ou indirect avec ce parti.

Dans un arrêt rendu le 7 mars 2017, la Cour d’Appel de Paris a confirmé le jugement sur l’action en nullité de la marque, pour des motifs purement juridiques.

En effet, la marque litigieuse ayant fait l’objet d’une cession, l’action en nullité devait être dirigée, à peine d’irrecevabilité, contre son titulaire actuel, ce qui n’avait pas été fait par les appelants.

La Cour a également rejeté les demandes de l’association sur le fondement des faits de concurrence déloyale, ayant considéré notamment qu’ils n’étaient pas suffisamment caractérisés, les entités en cause n’étant pas en situation de concurrence « particulièrement commerciale alors qu’ils n’ont pas de but lucratif, la première étant une association se voulant apolitique ayant pour objet social de défendre l’Etat de droit et l’égalité des droits, particulièrement dans le fonctionnement du système judiciaire, les seconds, un parti politique et sa présidente ».

La Cour a considéré que l’intention de créer une confusion dans l’esprit de la « clientèle », dans le but de se l’approprier au préjudice de l’association « Au Nom du Peuple » n’était pas démontrée.

Enfin, la Cour a conclu que « le choix d’un slogan ressort de la liberté d’expression dont doit bénéficier un parti politique », et a confirmé le jugement entrepris en première instance.

A défaut d’obtenir gain de cause devant les tribunaux compétents, l’association lyonnaise en appelle désormais aux internautes, à qui elle propose depuis son site internet, de signer une pétition pour tenter de passer outre cette décision et d’obtenir le retrait du slogan litigieux.

 

 

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 1, 7 mars 2017, n° 17/00756

 

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