« Ne m’appelez plus jamais… Laguiole »

Le jugement du Tribunal de l’Union Européenne (TUE ci-après), en date du 21 octobre 2014 et dont la presse s’est largement fait l’écho, marque un nouveau rebondissement dans la saga « Laguiole » .

Laguiole, petite commune française du Sud-Ouest, a vu la création, en 1829, d’un couteau spécifique, désormais connu sous le nom de couteau « Laguiole ».

Cette forme de couteau s’est très vite répandue dans toute la France et se fabriquait le plus souvent à Thiers.

Dès années plus tard, en 1993, la Société LAGUIOLE SA (société située à Paris) déposait toute une série de marques, déclinant de multiples façons le terme « Laguiole », et désignant pas moins de 38 classes différentes (y compris les couteaux) !

La Société LAGUIOLE SA n’avait pas son siège social à Laguiole ; elle ne fabriquait pas davantage les produits commercialisés dans l’Aveyron (puisque ces derniers étaient principalement fabriqués en Chine).

La commune de Laguiole, sur le fondement notamment de l’origine trompeuse et de l’atteinte à son nom, intenta alors une première action, qu’elle perdit tant devant le Tribunal que devant la Cour d’Appel de Paris, la Cour considérant que les marques étaient valables.

Dans cet arrêt, la Cour rappelait toutefois que le terme « Laguiole » ne pouvait pas constituer une marque désignant des couteaux car ce dernier était devenu usuel et générique. En revanche, elle réaffirmait la validité des marques « Laguiole » pour tout produit ou service autre que des couteaux.

Dix ans passèrent et la Société LAGUIOLE SA déposait de nouvelles marques « Laguiole », les étendant à de plus en plus de produits : barbecue, chaussures, bijoux, parfums, etc.

La commune de Laguiole décidait alors d’intenter une nouvelle procédure qui, une fois encore, ne prospéra pas.

En effet, dans un jugement en date du 13 septembre 2012, le Tribunal de Grande Instance de Paris a rejeté les demandes de la petite commune française au motif que la commune Laguiole ne serait pas connue de la majorité des français, qui ne l’associeraient nullement à un lieu géographique.

En conséquence, sa reprise dans une marque ne constituerait ni une référence trompeuse sanctionnée par la responsabilité civile, ni une cause de nullité de la marque pour déceptivité, défaut de distinctivité ou pour fraude.

Ce raisonnement a été confirmé par la Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt très récent en date du 4 avril 2014.

On aurait pu croire la saga terminée mais le TUE a rendu un nouveau jugement le 21 octobre dernier.

Cette fois ci, l’action était intentée, non pas par la commune, mais par la Société FORGE DE LAGUIOLE, société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de couteaux Laguiole et implantée dans la ville éponyme.

Cette société sollicitait de l’OHMI l’annulation de la marque communautaire « Laguiole », en se fondant sur sa dénomination sociale seulement, n’étant pas titulaire de marques « Laguiole » qui, pour des couteaux, auraient de toute façon été jugées nulles.

L’issue a été plus heureuse pour cette société que pour la commune de Laguiole, puisqu’elle a logiquement obtenu l’annulation partielle de la marque « Laguiole » – pour certains produits, en raison de leur similarité avec son activité (ex. : scies, coupe-papier, coupe-cigares, etc.).

Les marques « Laguiole » n’ont donc pas fini de faire parler d’elles…

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