« Ordonnance Macron » : Les Conseils de Prud’hommes résistent !

De multiples décisions rendues par les juges du fond très récemment ont lancé un mouvement de résistance contre le barème de plafonnement des indemnités pour licenciement injustifié prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail (appelé communément le barème Macron)

Pour rappel, ce barème introduit dans l’une des « ordonnances Macron » publiées le 23 septembre 2017 vise à limiter les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’objectif du législateur est de sécuriser économiquement les entreprises en incluant une prévisibilité lorsque d’éventuelles indemnités au profit d’ex salariés doivent être versées.

Cependant, plusieurs jugements1 ont admis l’argumentation présentée par les avocats des salariés qui invoquaient la non-conformité du barème Macron avec les engagements internationaux de la France, notamment avec l’article 24 de Charte sociale européenne qui dispose que « le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée » et l’article 10 de la Convention OIT n° 158 posant le principe de versement d’une indemnité adéquate ou « toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

A l’heure où nous rédigeons cette note, aucune cour ne s’est encore prononcée sur le sujet. Plusieurs raisons nous font penser que les cours d’appel et la Cour de cassation ne suivra pas cette position :

1- L’invocabilité de l’article 24 de la Charte sociale européenne reste incertaine. Le texte ne créé a priori d’obligation qu’à l’égard des États.

2- Concernant la Convention OIT n° 158, bien qu’elle soit elle d’application directe, il nous semble que la pratique du plafonnement n’est pas contraire à la lettre du texte.

En effet, il convient de rappeler que le barème ne s’applique qu’aux licenciements sans cause réelle et sérieuse et que son application doit être écartée dans un certain nombre d’hypothèses2. Dans les cas les plus graves, le juge recouvre pleine discrétion pour fixer le montant de l’indemnisation.

En outre, les préjudices distincts de la perte injustifiée de l’emploi peuvent être indemnisés au titre de la responsabilité civile.

Dès lors, les garde-fous prévus par le législateur nous semblent garantir une protection satisfaisante des salariés et écarter l’argumentaire de certaines juridictions selon lesquelles l’article L. 1235-3 du Code du travail ne serait pas conforme aux textes internationaux.

D’ailleurs, ni le Conseil d’État3, ni le Conseil constitutionnel4 n’ont relevé d’incompatibilité régulière avec les engagements internationaux de la France lors de leur saisine.

Pour l’heure, Il est certain que le justiciable se trouve dans une incertitude, source d’une grande insécurité juridique. Une telle division juridictionnelle brouille considérablement la stratégie lors du contentieux. Or, le but des ordonnances Macron était justement d’éviter l’aléa, c’est peine perdue…

On attend donc avec impatience la position de la Cour de cassation…

Arthur GUARILLOFF et Isabelle MARCUS MANDEL

 

(1) Voir par exemple CPH Troyes 13 déc. 2018 ; CPH d’Amiens 19 déc. 2018 ; CPH Lyon 21 déc. 2018 ; CPH Lyon 7 janv. 2019 ; CPH Angers 17 janv. 2019 ; CPH Grenoble 18 janv. 2019 ; CPH Agen (audience départage) 7 février 2019 ; CPH Paris, 1er mars 2019 ; CPH Dijon, 19 mars 2019.
(2) Voir les hypothèses énumérées à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail.
(3) CE, 7 déc. 2017 n° 415243 : « il ne résulte ni des stipulations invoquées, ni, en tout état de cause, de l’interprétation qu’en adonnée le Comité européen de droits sociaux dans sa décision du 8 septembre 2016, dont se prévaut la requérante, qu’elles interdiraient aux États signataires de prévoir des plafonds d’indemnisation inférieurs à 24 mois de salaire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse
(4) décision du 21 mars 2018: « en fixant un référentiel obligatoire pour les dommages intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général, en renforçant la prévisibilité des conséquences de la rupture du contrat de travail ».

 

 

 

 

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