Retour sur l’exception de courte citation suite à l’affaire Zemmour

Tribunal Judiciaire de Paris, 3e chambre, 2ème section, 4 mars 2022, n°22/00034

 Par un jugement rendu le 4 mars 2022, le Tribunal Judiciaire de Paris condamne M. Eric Zemmour et l’association Reconquête ! pour contrefaçon de droits d’auteur et revient sur l’exception de courte citation, en particulier sur le contexte et la finalité de l’incorporation des œuvres citées.

L’essayiste avait en effet publié une vidéo afin d’annoncer sa candidature à la présidence de la République. Son discours étant accompagné de différents extraits de films tels que Le Quai des Brumes, Jeanne d’Arc ou encore Un singe en hiver, certains titulaires de droits ont assigné le candidat en contrefaçon de droits d’auteurs, ce à quoi les Conseils de Monsieur Zemmour ont cru pouvoir opposer l’exception de courte citation.

Cette exception aux droits patrimoniaux des auteurs est mentionnée à l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose entre autres que « Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire :

3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source :

  1. a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ; »

Deux aspects doivent donc être pris en compte : le respect du droit de paternité et la finalité de l’incorporation.

Dans le cadre son appréciation, le Tribunal constate que M. Zemmour et l’association Reconquête ! font fi du droit de paternité en ne mentionnant pas le nom des titulaires de droits sous la vidéo, mais uniquement le nom du titulaire de la chaîne dont les extraits sont issus.  Pourtant, la jurisprudence a déjà été plus accueillante en ne réclamant pas l’indication systématique du nom de l’auteur tant que le public comprend que les éléments cités sont issus d’un emprunt (CA Paris, 19 décembre 2014, n° 14/11935).

Surtout, les juges du fond considèrent que les reproductions ne peuvent être justifiées par une des conditions mentionnées à l’article L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, étant donné qu’elles ne sont présentes qu’à titre « de simples illustrations » du discours prononcé par M. Zemmour, lequel « n’entretient aucun dialogue » avec les extraits d’œuvres cités. Ce caractère purement illustratif ne permet pas que ces incorporations soient qualifiées d’informatives.

Les magistrats ont donc en l’espèce rejeté l’exception de courte citation, tandis que récemment, la reproduction partielle d’une œuvre de street art dans une vidéo de campagne de M. Jean-Luc Mélenchon a été admise car elle appuyait « le message critique développé par les vidéos » (TJ Paris, 21 janvier 2021, n° 20/08482).

Cette décision était attendue et prévisible tant l’entorse aux dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle semblait évidente.

 

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